Les tourbières sont des écosystèmes souvent méconnus mais pourtant essentiels à l’équilibre environnemental. Aujourd’hui, nous rencontrons Cassandre Chombart, coordinatrice du projet européen LIFE Anthropofens qui œuvre pour la préservation et la restauration des tourbières alcalines du nord de la France et de la Wallonie, travaillant au sein du Conservatoire d’espaces naturels des Hauts-de-France.
Les tourbières : des milieux naturels uniques et fragiles
Qu’est-ce qu’une tourbière et pourquoi est-elle si particulière ?
Cassandre Chombart : Les tourbières sont des milieux naturels saturés en eau une grande partie de l’année. L’eau y joue un rôle clé en empêchant la décomposition complète de la végétation, ce qui entraîne la formation progressive de la tourbe. Dans notre région, les tourbières sont dites alcalines, car elles sont alimentées par l’eau de la nappe de la craie. Ces habitats abritent une biodiversité remarquable et offrent des services écosystémiques précieux, notamment la régulation du cycle de l’eau et le stockage du carbone.
Mais ces milieux sont aujourd’hui menacés ?
C.C. : Oui, les tourbières mettent des milliers d’années à se former, mais elles sont très fragiles. L’un des principaux dangers est le drainage, qui entraîne leur assèchement et leur dégradation. Dans les Hauts-de-France, la majorité des tourbières ont été fortement impactées par les activités humaines.
Le projet LIFE Anthropofens : un engagement européen pour les tourbières
En quoi consiste le projet LIFE Anthropofens ?
C.C. : Il s’agit d’un projet financé en partie par l’Union européenne, ainsi que par plusieurs partenaires comme les agences de l’eau Artois-Picardie et Seine-Normandie, l’Office français de la biodiversité, le département de l’Oise et la fondation Coca-Cola. L’objectif est de restaurer et préserver les tourbières alcalines du nord de la France et de la Wallonie. Neuf structures sont impliquées, dont le Conservatoire d’espaces naturels des Hauts-de-France, qui assure la coordination du projet, aux côtés d’acteurs comme le Conservatoire botanique national de Bailleul, le Conservatoire du littoral, le Parc naturel régional Scarpe-Escaut ou encore l’association belge Natagora.
Quelle est l’ampleur des travaux de restauration ?
C.C. : Nous estimons à plusieurs milliers d’hectares la superficie des tourbières alcalines dans le nord de la France. Dans le cadre du projet LIFE, nous nous concentrons sur 480 hectares à préserver et restaurer, situés sur des sites Natura 2000.
Travaux et études scientifiques : des actions concrètes sur le terrain
Quels types d’actions sont menés ?
C.C. : Nous mettons en place différents types d’interventions : le débroussaillage et l’étrépage, par exemple, permettent de restaurer des habitats spécifiques en éliminant la végétation indésirable et en remettant en eau certaines zones. À Morcourt, dans la vallée de la Somme, nous procédons à des travaux de déboisement pour redonner aux tourbières leur état naturel.
Et en matière d’études scientifiques ?
C.C. : Nous réalisons des suivis écologiques sur des espèces emblématiques comme le Vertigo (un petit escargot) ou l’orchidée Liparis de Loesel. Nous analysons aussi les niveaux d’eau pour évaluer l’efficacité des restaurations. Une tourbière doit rester constamment gorgée d’eau pour conserver son stock de carbone ; si elle s’assèche, la tourbe se minéralise et relargue du CO2, contribuant ainsi au changement climatique.
Sensibilisation et implication du public
Comment sensibiliser le public à l’importance des tourbières ?
C.C. : Nous utilisons plusieurs canaux : un site internet dédié au projet, des publications sur les réseaux sociaux, des animations et des sorties nature dans la région. En 2024, nous avons organisé le Festival des Tourbières à Camon (Somme), un événement phare pour faire découvrir ces milieux uniques. Nous avons également des supports pédagogiques comme des plaquettes et des expositions itinérantes.
Le grand public est-il conscient de l’importance des tourbières ?
C.C. : Beaucoup de personnes connaissent l’existence des milieux humides près de chez eux, mais les confondent souvent avec des marais ou des étangs. Or, ce sont bien des tourbières, même si elles ont été modifiées par l’Homme au fil du temps. Un de nos enjeux majeurs est donc de faire comprendre que ces milieux sont irremplaçables : une tourbière détruite ne peut plus redevenir active. Il est donc essentiel d’agir dès maintenant pour les préserver.
Conclusion : agir ensemble pour préserver un patrimoine fragile
Les tourbières sont de véritables trésors naturels, à la fois refuges de biodiversité et alliées précieuses contre le changement climatique. Grâce au projet LIFE Anthropofens, leur restauration et leur préservation avancent à grands pas, avec l’implication de nombreux acteurs et du grand public.
Pour en savoir plus et suivre l’évolution du projet, rendez-vous sur le site du LIFE Anthropofens et sur la page Facebook du projet.